Une grande aventure humaine (It's all about relationships)

This is a guest post written by Benoit Pernechele, who has been at ISB for six years, and is moving on from his position this summer. During his time at ISB, Benoit has benefited from the novice mentoring program, and completed coaching cycles twice. Here, he reflects on his time at ISB, and looks forward to his next steps. I hope you enjoy what I'm thinking of as a "love letter to ISB". There's an English translation below, so scroll down if you prefer to read in English. -Kristin 

Une grande aventure humaine

Je me souviendrai toujours de mes débuts à ISB. Pas seulement ma découverte du campus qui m’avait complètement soufflé, moi qui n’avait connu que l’enseignement public belge. Mais en particulier mes premiers jours et premières semaines. Ma situation était quelque peu singulière. Tout d’abord, par mon profil : belge francophone à l’anglais correct mais encore trop théorique et pas assez pratique. Comprendre tout et tout le monde en tout temps me demandait beaucoup d’efforts, ce qui me fatiguait et me stressait énormément. Mais aussi par la position pour laquelle j’avais été recruté : technicien de labo à temps partiel, amené à collaborer régulièrement avec les professeurs, relativement peu avec les élèves. Pas tout à fait dans la faculté, mais pas vraiment non plus dans le staff. Une position intermédiaire, un entre-deux hybride un peu unique en son genre dans la Middle School.

Tout cela m’angoissait déjà pas mal, car ce poste constituait mon premier vrai boulot et je tenais à faire les choses correctement, d’autant plus qu’il se dégageait d’ISB une aura de prestige et d’excellence qui forçait à placer la barre haut.

Mais à ce contexte déjà suffisamment stressant se rajoutait un élément supplémentaire : j’allais complètement manquer les deux premières semaines de cours. D’autres engagements préalables m’obligeaient à m’absenter en Turquie pour le mariage de ma sœur pour une semaine vers la fin août, et en France pour la fin de ma formation universitaire en mycologie pour une autre semaine début septembre. Je loupais donc l’essentiel : la rentrée, c’est-à-dire le moment où l’on fait connaissance, où chacun s’apprivoise mutuellement, où l’on prend ses marques, ses repères, afin de prendre un peu confiance pour la suite. J’allais donc manquer ce moment-clef de mon début de carrière pour débarquer dans un environnement inconnu où chacun aurait déjà pris sa place. Comment allais-je faire, dans ces conditions, pour trouver la mienne?

Avec du recul, toutes ces inquiétudes étaient parfaitement compréhensibles mais futiles. En arrivant à ISB, j’avais en réalité mis les pieds dans une communauté accueillante, inclusive, sympathique et bienveillante. Et à cette époque, j’ignorais complètement à quel point ce lieu, cette communauté et les expériences que j’allais y vivre allaient me transformer.

Je me souviens en particulier de deux moments très précis et clairs dans ma tête, comme si je les avais vécus hier. Chacun d’eux concernait une discussion avec Mike. La première conversation remonte à la fin de mon programme d’orientation. Je suis avec Mike devant le château, c’est la fin de la journée et je m’apprête à partir. Je lui fais part de ma gêne et de mon inconfort à manquer les deux premières semaines de cours. Il me répond que je ne dois surtout pas m’en faire, et ce pour trois raisons. Premièrement parce que la famille est extrêmement importante et prime sur le reste. Deuxièmement parce que mes apprentissages me rendront plus compétents et que d’une manière ou d’une autre je pourrai probablement en faire profiter ISB.

Et enfin (et surtout !), il m’a dit ceci “Nous sommes heureux de donner à nos enseignants le temps dont ils ont besoin pour leur développement personnel et professionnel, car nous savons qu’ils rendront davantage à la communauté”. Cette discussion m’a fait une très forte impression, car mettait d’emblée l’accent sur un point essentiel de la culture à ISB et du rôle d’enseignant : l’importance du bien être et de la reconnaissance.

Le deuxième moment clef dont je me souviens très clairement se déroulait dans la ville hollandaise au nom imprononçable où se déroule un an sur deux les PD de début septembre de la MS : Scheveningen (essayer de le lire à voix haute, vous verrez !). À peine arrivé dans l’école après deux semaines d’absence, me voilà catapulté dans un hôtel, dans une autre pays, pour un moment de travail pédagogique et de créations de liens d’équipe. Je me souviens que l’ambiance était très détendue, et que tout le monde était sympathique et accueillant. Je me suis vraiment senti le bienvenu et cela m’a aidé à me défaire du stress des premiers jours. Le deuxième soir, en fin de soirée, Mike m’a dit ceci “Benoit, nous sommes ravis de voir que tu t’intègres si bien dans l’équipe. Nous sommes contents pour toi et nous sommes sûrs que tout se passera bien cette année.” Cela n’a l’air de rien, mais cette phrase a vraiment contribué à me mettre en confiance, et j’en avais terriblement besoin à ce moment-là.

À ce stade de votre lecture, vous vous êtes sûrement déjà demandé “fort bien, mais où veut-il en venir avec tout ça ?”

En réalité, c’est là pour moi le point central de mon message. Ce que j’ai appris de plus précieux à ISB ne figure dans aucun programme ou manuel. Il s’agit tout simplement des interactions humaines que l’on vit et que l’on construit avec les personnes qui nous entourent. C’est à la fois le plus important, le plus difficile et le plus délicat. Cela ne s’apprend pas en cours, ou trop peu et bien souvent de manière informelle. Et pourtant, tout part de là, c’est la base de tous les autres apprentissages que nous pouvons faire. Au fil des mes années à ISB, j’ai eu l’occasion de développer et parfaire mes relations avec mes élèves. Chaque classe est unique et possède une dynamique qui lui est propre et qui dépend de nombreux facteurs sur lesquels les enseignants n’ont pas toujours prise. Ce sont les interactions que l’on a avec les élèves et la classe en général, ainsi que la posture que l’on tient selon les situations toujours changeantes qui déterminent le respect et la confiance que les élèves entretiennent avec l’enseignant. C’est à la manière dont on pose les limites et assure leur respect que découlent les notions de responsabilité et d’autorité. Et c’est dans ce cadre que l’on peut ou non offrir une place au vécu des élèves, à leurs émotions, à leurs besoins. Tout cela constitue un équilibre dynamique fluctuant et fragile, mais déterminant sur le bien être de chacun et la manière dont se passera l’année.

Bien entendu, la qualité de la relation que l’on entretient avec nos élèves en classe ne fait pas tout. Il faut évidemment veiller à ce que le programme soit couvert et compris par les élèves, trouver des manières d’aborder le contenu, d’accrocher la classe, varier les activités de manière à ce que chaque enfant s’y retrouve selon ses forces, faiblesses et manières de faire qui lui sont propres.

Néanmoins, j’ai le sentiment que bien trop souvent, on a tendance à considérer l’aspect relationnel en second lieu, et le programme, le contenu et les évaluations en premier lieu. Après tout, c’est l’objectif premier, la raison d’être de l’école : faire en sorte que tous et toutes réussissent l’épreuve finale de l’IB.

Mais plus j’avance dans l’enseignement, et plus il me semble que le premier (la qualité de la relation) conditionne la réussite du second (la réussite académique des élèves via un enseignement de qualité) et non l’inverse.

Un autre aspect fondamental des relations humaines dans le métier professeur tient à la qualité et au soin que l’on porte dans nos relations du quotidien avec nos collègues. Les moments informels font le sel des journées, donnent du sens à ce que l’on fait et nous aident à traverser les moments les plus difficiles et certaines épreuves liées au métier. La richesse et la qualité de ces moments sont extrêmement précieux pour le bien être et le sens que l’on trouve à nos actions. Cela permet aussi de tisser des liens forts qui font d’une équipe qu’elle est suffisamment forte face à l’adversité. Sans mes collègues incroyables du département de science, je ne pense pas que j’aurais pu tenir lors de certaines périodes difficiles. Ils m’ont procuré soutien, encouragement et aide à chaque fois que j’en avais besoin. Toutes ces rencontres tissées, ces amitiés nouées, et tous ces petits moments du quotidien n’ont l’air de rien pris seuls, mais, mis bout à bout, constituent une toile colorée, chaude et pleine de sens.

Presque six ans ont passé depuis mon premier jour à ISB, et dans moins d’un mois je serai parti. Six ans, c’est à la fois tant et si peu ! Ces 6 années furent merveilleusement belles, denses et vibrantes. Elles auront été pour moi riches d’apprentissages et de rencontres inoubliables avec des personnes formidables. Six ans. Exactement la durée du cycle du secondaire. D’ailleurs, mes premiers élèves quitteront ISB en même temps que moi. Ça me donne un peu le sentiment d’avoir revécu une sorte d’adolescence, cet âge formateur, où tourbillonnent les questionnements sur soi, ce qu’on est, ce que l’on fait. Un âge où l’on multiplie les expériences nouvelles, où l’on se cherche, … C’était peut-être un peu tout cela, commencer une carrière de prof. Dorénavant, j’ai la tête tournée vers de nouveaux horizons. J’ai l’impression d’avoir à peine soulevé le voile de ce qu’était véritablement l’éducation, et que je n’ai fait qu'entre apercevoir par un bref coup d'œil la vaste question des relations humaines et de ce qui en découle. J’ai le sentiment que je ne fais que démarrer, enfin, ma carrière d’enseignant ! Drôle de sentiment où il me semble qu’il me reste tant à déconstruire, découvrir et expérimenter. Tant de nouveaux horizons à explorer, avec d’autres vastes questionnements :

• Comment apprendre et vivre d’autres modèles de gouvernance, de participation ?
• Quelle posture adopter selon le contexte pour offrir davantage de place aux élèves ? Comment faire pour que l’enseignant s’efface de plus en plus et que les élèves prennent en plus de place pour être maître de leur éducation, avec un professeur qui ne serait plus que là en soutien, en guide, en compagnon de route ?
• Comment donner de la place aux émotions ? Comment enseigner à les reconnaître, les exprimer, écouter celles des autres ? Que faire avec ?
• Comment déconstruire nos stéréotypes de genre et quelles actions entreprendre pour que cela se traduise au quotidien, dans nos faits et gestes ?

Je pense que ces questionnements sont amenés à prendre davantage de place dans le monde de l’éducation, et ce y compris à ISB. Mon souhait est que cela mène à davantage d’action et de changements positifs.

Me voilà donc, tourné vers la suite de ma carrière en tant qu’éducateur. Face à ces questionnements et ces nouveaux horizons éducatifs à explorer, j’emporte avec moi de précieux trésors amassés pendant ces riches années à ISB. Tout d’abord, toutes les belles amitiés nouées que j’appelle de tous mes vœux à continuer. Je ressens aussi une gratitude immense pour la confiance que l’on m’a accordée à ISB qui m’aura permis d’évoluer tant sur le plan personnel que professionnel, d’expérimenter, de mûrir et grandir. Je suis reconnaissant à toute la communauté et toutes les personnes qui m’auront accompagné sur ma route. Je suis bien déterminé à continuer à avancer sur le chemin sans fin de l’éducation afin de continuer à évoluer en tant que personne et éducateur. Et je compte bien m’abreuver autant sur ces chemins qu’à la source à laquelle ils conduisent, car la qualité des chemins importe autant et si pas plus que leur destination.

It's all about relationships

I will always remember the beginning of my time at ISB. Not only discovering the campus, which completely blew me away, me who had known nothing except for Belgian public schools. But, overall, my first days and weeks. My situation/position was somewhat unique. First of all, my profile: French speaking Belgian with correct English but still too theoretical and not yet enough practice. Understanding everything and everyone all the time took a lot of effort and energy, which tired me and caused me enormous stress. But I was also unique for the position for which I was hired: part-time lab technician, brought to collaborate regularly with the teachers, and relatively speaking little with the students. Not really faculty, but not really staff either. A position in between, a hybrid position that was a little bit unique in the Middle School.

All of this already worried me a good bit, because this constituted my first real job and I really wanted to do things appropriately, but even more because there was an aura of prestige and excellence around ISB that made me set the bar high.

But in this already plenty stressful situation, I added an extra element: I would completely miss the first two weeks of school. Previous engagements meant that I needed to go to Turkey for my sister’s marriage for one week at the end of August, and to France for the end of my degree in mycology (the study of mushrooms) for another week at the beginning of September. So, I missed the essentials of the new school year, which is to say the moment when everyone gets to know each other, each person figures each other out, in order to be more confident going forward. I would miss this key moment at the start of my career as I entered into an unknown environment where everyone had already taken their places. How could I, in these conditions, find my place?

With hindsight, all of these worries were perfectly understandable, but useless. On arriving at ISB, I had actually placed myself in a welcoming, inclusive, kind and warm environment. And at this time, I didn’t realise to what degree this place, this community and the experiences I would have being here would change me.

I remember in particular two moments that are very precise and clear in my mind, like if they just happened yesterday. Both of these concern conversations with Mike. The first conversation traces back to the end of my August orientation. I am with Mike in front of the Château, it’s the end of the day and I’m about to leave. I told him about my embarrassment and my discomfort with missing the first two weeks of the school year. He responded that I should certainly not be, for two reasons. Firstly, because family is extremely important and a higher priority than all the rest. Secondly, because my course would make me more qualified and in one way or another I would probably put it to use at ISB.

And finally (or especially!), he told me this: “We are happy to give our employees the time they need for their personal wellbeing and professional development, because we know they will always give it back and even more to the community”. This conversation made a very strong impression on me, because it immediately emphasised an essential point about the culture at ISB and the role of education: the importance of well-being and gratitude.

The second key moment that I remember very clearly took place in the Dutch city with an unpronounceable name where the MS holds its PD every second year at the beginning of September: Scheveningen (try reading that out loud, you will see!) Barely having arrived at school after my two weeks of absence, here I was catapulted into a hotel, in another country, for a weekend of educational work and team building. I remember the relaxed atmosphere, and that everyone was very nice and accepting. I really felt welcome and that helped me to let go of the stress of those first days. The second night, at the end of the evening, Mike said this to me: “Benoit, we’re happy to see how you’re integrating yourself so well in the team. We’re happy with you and we’re sure that everything is going to go well this year.” This comment seems like nothing much, but it truly built up my confidence, and I needed it terribly at that moment.

At this point in your reading, you are probably asking yourself, “OK, but where’s he going with all this?”

In reality, this is the central point of my message. The most precious thing that I’ve learned at ISB doesn’t appear in any curriculum or manual. It is simply about the human interactions that we experience and that we build with the people around us. This is at the same time the most important, the most difficult and the most delicate. It isn’t taught in a course, or too little and often informally. And yet, everything starts from there, it is the base for all other learning. Over the course of my years at ISB, I’ve had the occasion to develop and improve my relationships with my students. Each class is unique and has its own dynamics that depends on a number of factors which the teachers don’t always have any control over. It is the interactions we have with the students and the class in general, as well as the roles that we take on in ever-changing situations that determine the respect and trust that students have with the teacher. It is the manner in which we impose boundaries and how they are respected that we build the concepts of responsibility and authority. And it is in this structure that we can offer a place for students’ experiences, their emotions, their needs. All of this makes up a dynamic fluctuating equilibrium that is fragile, but that determines everyone’s well-being, and how the year will go.

Of course, the quality of the relationships that we maintain with our students in class is not everything. We obviously need to ensure that the curriculum is covered and understood by the students, find methods to keep the students’ attention, vary the learning activities in such a manner that allows each student to find their own strengths, weaknesses and ways of doing things.

However, I have the feeling that too often we have the tendency to consider the relationships as second priority, and the program, the content and the assessments as first priority. After all, it’s the first goal, the reason to be at school: do things in such a way that everyone succeeds in their final IB.

But the more experience I have in teaching, the more it seems to me that the former (the quality of the relationships) is the condition for success in the latter (the students’ academic success via a high quality education) and not the opposite.

Another fundamental aspect of the human relationships in the profession of teaching is in the quality and care we take in our relationships with our colleagues. Informal moments add vibrant colour to our days, giving meaning to what we do, and helping us to get through the most difficult moments or any challenges in our work. The richness and quality of these moments are extremely precious for our well-being and the meaning that we find in our actions. This allows us to build strong bonds to make our teams strong enough in the face of challenges. Without my incredible colleagues in the Science department, I don’t think I could have gotten through certain difficult periods. They offered me support, encouragement and help each time that I needed it. These exchanges, these friendships built, and all the small daily moments each seem like nothing if taken by themselves, but, added on top of each other, make up a colourful, warm, meaningful canvas.

Almost six years have passed since my first day at ISB, and in less than a month I am leaving. Six years, it’s at the same time so much and so little! These six years were wonderfully beautiful, dense, and vibrant. They have been for me rich in learning and in unforgettable experiences with amazing people. Six year. Exactly the duration of a secondary school education. My very first students will finish at ISB at the same time as me. This makes me feel a bit like I’ve gone through a sort of second adolescence, this formative age, when we are full of questions about ourselves, about who we are, how we act. An age when we have many new experiences, when we search for ourselves, ...starting a career as a teacher was maybe a little bit of all of that. Now, at this stage, I’m turning my gaze to new horizons. I feel like I’ve barely scratched the surface of what education can be, and that I’ve only begun to glimpse the huge question of human relationships and all that they offer. I feel like I’m only now starting, finally, my career of teaching! A funny feeling where it seems to me that I still have so much to unravel, discover and experiment. So many new horizons to explore, with more huge questions:

• How to learn and experience other models of management and participation?
• What role to adopt depending on the situation to give more space to student voice? How to make it so that the teacher recedes more and more and the students take the teacher’s place as the masters of their own learning, with the teacher only there as a support, a guide, a companion along the journey?
• How to make space for emotions? How to teach to recognise emotions, express them, listen to others’ experiences with them? What to do with them?
• How to deconstruct our stereotypes about gender and what actions to take so that this comes across every day, in our actions?

I think that these questions are likely to continue to be important conversations in education across the world, including at ISB. My wish is that these conversations will lead to action and change.

Here I am, then, my gaze turned toward the next step in my career as an educator. Facing these questions and these new educational horizons to explore, I am taking with me precious treasures amassed during these rich years at ISB. First of all, all the beautiful friendships that I’ve made and that I hope will continue. I also feel an immense gratitude for the confidence that ISB accorded me which allowed me to develop as much personally as professionally, to experiment, mature and grow. I am grateful to the entire community and all the people who have accompanied me on my path. I am determined to continue to advance on the endless path of education in order to continue to evolve as a person and a teacher. And I intend to absorb as much along this path as possible, because the quality of the journey is as important as the destination (if not even more important).

By Benoit Pernechele, translated with Kristin Heglund